Le Gabon au firmament de la gouvernance administrative africaine

Le Nouveau Système de Rémunération (NSR) des agents publics de l’Etat mis en place au Gabon le 25 juillet 2015 vient d’être honoré du Prix de l’Excellence Panafricain du Service Public décerné au Ministre de la Fonction Publique, à l’occasion de la 13ième édition du Forum Panafricain de la Modernisation de l’Administration Publique et des Institutions qui s’est tenu le 5 juillet 2017, à Rabat (Royaume du Maroc) en marge du 55ième Conseil d’Administration du Centre Africain de Formation et de Recherche Administratives pour le Développement (CAFRAD). Le NSR a matérialisé la volonté des plus hautes autorités de la République Gabonaise de doter l’Administration d’un outil technique, susceptible de prendre en charge efficacement le pilotage renforcé de la masse salariale.

Cette distinction nous donne l’occasion de revenir sur la mise en œuvre d’une réforme ambitieuse qui a défié tous les pronostics négatifs grâce à la maîtrise d’ouvrage par les experts gabonais des différentes administrations publiques et à la ferme volonté des plus hautes autorités de l’Etat.

                            Retour sur les Dérives de l’ancien système

Il convient, en effet, d’indiquer que l’ancien système qui datait de plus d’une trentaine d’années avait subi une certaine dérive qui a conduit inexorablement à l’instauration d’un fossé important entre le revenu d’activité et la pension de retraite. Le régime indemnitaire était devenu illisible et surtout inéquitable. Certains éléments de solde étaient déterminés sans base légale. Tout ceci a conduit à la paupérisation d’une frange importante d’agents publics et à la détérioration du climat social.

L’audit de l’ancien système, conduit en 2013, avait établi qu’il présentait de nombreuses carences, notamment en ce qui concerne le mode de détermination de la solde de base, et l’importance relative des accessoires de solde comparée à la solde de base.

En effet, le calcul de la solde de base des agents civils intégrait plusieurs variables indépendantes à savoir :

  • les taux applicables par classe de grades dans les grilles indiciaires ;
  • les coefficients modulables par spécialité ;
  • la valeur indiciaire ;
  • le coût du point d’indice,
  • le salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG)

Tous ces éléments rendaient peu aisée, l’anticipation des coûts budgétaires. Il fallait, à cela, ajouter la détermination systématique, par référence à la valeur indiciaire, de nombreux accessoires servis aux personnels des forces de défense et de sécurité.

Les demandes régulières des syndicats de l’Administration de procéder au relèvement du SMIG pour obtenir indirectement des hausses des rémunérations s’avéraient très problématique dans la mesure où, en tant que seuil social et déterminant du coût du travail au Gabon, il avait une incidence directe sur la vie des entreprises, et donc sur la politique économique. Par ailleurs, la création progressive de nouveaux accessoires de solde pour répondre aux revendications catégorielles avait abouti, au fil du temps, à une certaine déstructuration du système avec une part de moins en moins importante de la rémunération de base.

Enfin, l’échec en 2014 de la mise en place, dans un contexte social très dégradé, d’une prime d’incitation à la performance (PIP), qui ambitionnait de faire du mérite une variable de la rémunération, a rendu inéluctable l’élaboration d’un nouveau système de rémunération des agents publics de l’Etat.

Le NSR renforce les avantages sectoriels et catégoriels

 Les objectifs du nouveau système de rémunération étaient de parvenir à :

- la revalorisation de la solde de base ;

- la mise en place d’un régime indemnitaire équitable et plus lisible ;

- la suppression du SMIG en tant variable de la paye des agents publics ;

- la simplification dans la détermination de la rémunération des agents publics de l’Etat ;

- l’instauration de la prééminence de la solde de base indiciaire ;

- une prise en charge renforcée des avantages statutaires et catégoriels.    

Ce processus a été réalisé par une équipe-projet, interministérielle, conduite par le Ministère de la Fonction Publique. La mise en œuvre du NSR a permis de résoudre trois types de problématiques :

  1. Au plan Politique, il fallait respecter l’engagement des autorités politiques, à mettre en place un nouveau système de rémunération ;
  2. Au plan social, le NSR a pris en compte les revendications des syndicats de l’Administration ;
  3. Au plan économique et budgétaire, il a notamment permis :
    1. d’améliorer de façon substantielle, le pouvoir d’achat des agents publics ;
    2. d’accroitre en volume, l’assiette des cotisations pour pension de retraite, d’environ 50% du fait de la hausse de la solde de base ;
    3. d’améliorer la prise en charge des avantages sectoriels ;
    4. d’offrir une alternative viable à la PIP, et une meilleure anticipation des coûts budgétaires….

Le NSR est entré en vigueur le 25 juillet 2015 pour la quasi-totalité des agents concernés, après six (6) mois d’exécution des travaux. Les experts de l’Administration sur les questions de rémunération, les syndicats de l’Administration, ainsi que les officiers des forces de défense et de sécurité, ont pris une part importante dans la mise en œuvre du NSR.

Le NSR a permis de renforcer les avantages sectoriels et catégoriels, notamment dans les secteurs de l’Education et de la Santé, entrainant une amélioration de la relation entre l’Administration et les usagers. Celle-ci s’est traduite par une amélioration de la qualité du service public, du fait de la disponibilité d’un nombre plus important d’agents dans lesdits secteurs, qui avaient, jusqu’ici, fait le choix de la mobilité vers d’autres services de l’Etat plus attractifs.

A la différence de l’ancien système, le NSR propose des grilles de référence pour les différentes catégories d’agents publics, mais aussi des grilles de bonification sectorielles. Celles-ci autorisent, de façon souple, la distribution des avantages catégoriels ou des avantages liés à l’exercice de certains emplois.

Les grilles de bonifications indiciaires, ont permis d’atténuer les écarts de rémunération, entre les agents d’un même secteur d’activité, sans dénaturer le système. Ce procédé s’est révélé très pratique pour la modulation des avantages accordés aux agents publics, en fonction du service qui les emploie, notamment en ce qui concerne les enseignants-chercheurs et chercheurs de l’enseignement supérieur, les médecins ou encore les magistrats hors hiérarchie.

L’élaboration du NSR a été officiellement lancée par le Ministre de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative et celui du Budget et des Comptes Publics, le 07 mars 2015. La réalisation technique du NSR, a été confiée à une structure dénommée «Commission d’élaboration du Nouveau Système de Rémunération des agents de l’Etat». Cette Commission a été instituée par un arrêté. Cette structure s’est articulée autour des trois organes : le Comité d’Orientation, le Comité de Pilotage, et l’Equipe-projet.

Les ressources mobilisées ont été constituées de moyens humains, de fournitures de bureau, d’appareils de reprographie, de matériels et logiciels informatiques et de bases de données. Les parties prenantes pour la mise en œuvre du projet ont été les administrations et les syndicats de l’Administration publique.

La communication mise en œuvre a consisté au déploiement des actions de proximité dans les services de l’Administration et dans les médias. Il s’est agit notamment de rencontres avec les parlementaires, les responsables de partis politiques intéressés par le sujet et les membres de la Cour Constitutionnelle. De même, une campagne d’information au moyen d’émissions spéciales à la radio, à la télévision, mais également par voie d’affichage et de distribution de prospectus a accompagné la mise en œuvre du nouveau système de rémunération des agents publics de l’Etat.

Les mesures d’accompagnement ont porté sur une large mobilisation des membres de la commission, la mise en place de numéros verts, ainsi que celle d’un guichet d’information ouvert au public ;

L’objectif étant d’obtenir l’adhésion des agents publics concernés ; de faire partager l’ambition d’un NSR qui se veut un système plus équitable, plus flexible, et surtout garantissant une hausse sensible du niveau des traitements servis dans l’Administration publique ; L’autre objectif du NSR est de restaurer un climat social favorable à l’exécution des missions du service public.

Des objectifs quantitatifs et qualitatifs atteints

Le NSR a permis d’atteindre des résultats sur les plans quantitatifs et qualitatifs. Les résultats quantitatifs portent sur :

  • la garantie de prendre en compte le « revenu minimum » de 150.000 f.cfa, grâce au niveau indiciaire le plus faible sur la grille ;
  • la hausse du niveau de rémunération d’environ 22% en moyenne ;
  • la garantie des prélèvements fiscaux et sociaux sur les émoluments intégrés au système. Soit environ 4 milliards de f.cfa en année pleine générés par la Primes d’Incitation à la Recherche, la Primes d’Incitation à la Fonction Enseignante, et la Prime Incitation à la Performance…);
  • la revalorisation de la solde de base qui passe de 53% à 72% de la rémunération.

 S’agissant des résultats qualitatifs, le NSR permet de :

  • faciliter une anticipation des coûts budgétaires ;
  • d’instaurer un régime indemnitaire plus équitable ;
  • de simplifier le calcul de la rémunération ;
  • d’assurer une prise en charge des avantages catégoriels plus efficace et plus flexible ;
  • et enfin, de parvenir à une uniformisation des éléments de solde.

 La mise en œuvre du NSR ne s’est pas faite sans obstacles. Il y a eu :

  • la tentation du maintien du statu quo exprimée par certaines administrations ;
  • le scepticisme d’une frange importante des syndicats de l’Administration ;
  • le risque de voir le NSR diminuer considérablement le pouvoir d’achat des agents avec les prélèvements directs sur une part des revenus qui y échappait généralement ;
  • le délai de réalisation relativement court ;
  • le nombre important de situations administratives des agents non mises à jour.

Fort heureusement, ces obstacles ont pu être surmontés grâce à :

  • la volonté politique ;
  • la communication constante des objectifs du projet tout au long de sa mise en œuvre ;
  • la maîtrise du sujet et la connaissance de l’environnement par les experts nationaux ;
  • la transparence dans l’exécution du projet : présentations régulière des travaux aux syndicats de l’Administration les moins hostiles ;
  • la prise en compte de certaines dispositions fiscales favorables, en concertation avec les services fiscaux, dans la détermination des niveaux de prélèvements ;
  • la mobilisation de l’équipe-projet et la diligence des administrations sollicitées ;
  • et enfin, au renforcement des équipes de fonctionnaires pour opérer les mises à jour des situations administratives des agents.

 Le NSR, à l’origine de la bonne santé économique du Gabon ?

Le NSR mis en place au Gabon, s’est fait dans un contexte économique particulier : la crise économique consécutive à la chute des prix du pétrole.

Toutefois, les innovations qu’il propose le rendent flexible et adaptable, car, à ce jour aucune expérience similaire n’avait encore été enregistrée ni au Gabon, ni ailleurs sur notre continent. C’est, ce qui a d’ailleurs motivé des émissaires du gouvernement de la République Démocratique du Congo, reçus au Ministère de la Fonction publique, à s’enquérir de l’expérience gabonaise en matière de rémunération des agents de l’Etat.

Ces derniers voulaient comprendre le mécanisme mise en place par le Gabon ayant conduit à augmenter des salaires en période de crise économique, alors que la tendance habituelle aurait militée en faveur d’une baisse drastique.

Il y a lieu de noter que cette action de relèvement salariale des agents publics a contribué sans nul doute à doper la demande intérieure, notamment celle des biens durables, contribuant ainsi, à maintenir la croissance positive que connait notre pays dans la sous-région.

Par ailleurs, on peut noter que la mise en œuvre du NSR a eu des effets positifs sur plusieurs plans. On peut entre autres citer :

  • La satisfaction des agents publics bénéficiaires ;
  • La diminution des revendications catégorielles visant la hausse de rémunération ;
  • le retour en grand nombre de médecins, médecins spécialistes ; enseignants, enseignants-chercheurs et chercheurs dans leurs emplois et spécialités respectifs ;
  • Les réactions positives des agents publics à travers les médias ;
  • Le nombre important d’agents publics qui réintègrent les services qu’ils avaient autrefois quittés constituent entre autres, un indicateur de satisfaction permettant d’évaluer l’impact positif du NSR sur les bénéficiaires.

En définitive, le Prix d’Excellence, du Prix Panafricaine du Service Public est une reconnaissance de l’expertise de l’Administration publique gabonaise pour la mise en œuvre du NSR au regard de la complexité de l’opération ; de la forte attente qu’elle constituait pour les citoyens à en juger par la satisfaction des agents publics.

Ainsi, le NSR constitue-t-il désormais, le socle sur lequel repose le traitement des dépenses de solde des agents publics de l’Administration Gabonaise.

Toutefois, en dépit de cette réussite, il faut reconnaitre que le Chantier de Réforme de l’Administration gabonaise reste un important défi à relever de par son ampleur. En effet, l’amélioration des rémunérations des agents de l’Etat, doit s’accompagner par l’amélioration de la qualité du service public. D’où, l’impératif de mettre en place :

  1. des cadres organiques dans chaque administration ;
  2. des fiches de postes pour chaque emploi public ;
  3. l’évaluation de la performance des agents et des structures de l’Etat ;
  4. l’avancement au mérite des agents publics ;
  5. l’application de la règle du paiement au 30ième de chaque agent public rémunéré par la Solde…

Autant de réformes à réaliser pour parvenir à une Administration Performante, orientée vers le développement de notre pays.


Cérémonie solenelle en images...

Le Ministre Jean Marie OGANDAGA remettant à Monsieur le Secrétaire Général Norbert VOUGAMBA SOKHA

Monsieur le Ministre Jean Marie OGANDAGA remettant le trophée du Prix

de l’Excellence Panafricain du Service Public à Monsieur le Secrétaire Général Norbert VOUGAMBA SOKHA,

en présence des agents du Ministère de la Fonction Publique.



Les Responsables du Ministère posant avec le trophée du Prix de l'Excellence...

Les Responsables du Ministère posant avec le trophée du Prix de l'Excellence...